Juhyun Choi


En Corée, le jour anniversaire du décès d'un proche, les familles se réunissent autour d'un dîner rituel pour saluer les disparus et honorer leur mémoire. Choi Juhyun se souvient d'un de ces dîners traditionnels, dédié à sa grand-mère. Une femme née en 1911, qui a vécu l'occupation japonaise, la guerre entre le Nord et le Sud, la misère qui en a résulté : malgré la rudesse de ce destin, Choi Juhyun évoque avant tout une figure bienveillante et tendre. Le livre est dessiné à l'encre, quelques pages utilisent la technique du théâtre d'ombres coréen. Ce récit rend compte avec simplicité et émotion de l'intensité du lien entre petits-enfants et grands-parents.
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 Dans ma tête, sous ma peau, au bout de mes doigts, des griffes, de la chair des gens que j'ai mangés, des familles, des tribus. Cette meute-là, c'est la mienne. Mal rangée, bordélique ; leurs ombres me couvrent, les souvenirs inconnus se révèlent à mes sœurs, leurs masques et mes enfants enfermés.\nIls me traînent, pour me débarrasser de mes humeurs. Les morceaux d'esprit frais se dissipent sur le chemin, ils attendent dans les recoins pour m'emprisonner avec leurs épingles.\nDans ce livre, la jeune fille cherche ses vieux fils, la femme pleure de la main du soldat qui ne lui répond pas, l'homme dit qu'il ne faut pas laisser tomber les larmes, ça l'attire, et la danseuse sait que de l'autre côté de la terre, le temps passe à l'envers.\nIls mettent leurs masques et montent sur scène, disent ce qu'ils croient être leur texte, oublient leur liberté et disparaissent. Encore qu'à l'acte suivant, il est bien possible qu'on les retrouve, naïfs, tendres et juteux.\nPlus petite, je jouais au Grimja nori : dès que le loup marche sur ton ombre ou la traverse, tu es pris. Dans une maison, sous un abri, il n'y a plus d'ombre, alors tu peux te mettre en sécurité. Mais tu ne joues plus. »
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